Bordeaux Aquitaine Marine
Le vin de Bordeaux dans la Marine
extrait du livre de : Fonssagrives, J.-B. - Traité d'hygiène navale - Paris, éditions J.-B. Baillière, 1856
Notre marine utilise des vins du Bordelais, de la Saintonge, du Midi, et, pour le seul usagedes
malades, du marsala et du bagnols.
Les vins du Bordelais, ces types des vins austères, dans la catégoriedesquels ils se placent à
côté du bourgogne, ont une richesse moyenne en alcool. Ils ne sont ni sucrés ni spiritueux et
ont une sorte d'âpreté avant d'avoir vieilli. En prenant de l'âge, ils acquièrent un bouquet, un
parfum qui varie suivant le terroir, l'exposition, l'espèce de la vigne, la fabrication même, qui
tient probablement à la formaton d'une huile essentielle spéciale, et qui différencie les crus
entre eux.
Le bordeaux renferme des quantités d'alcools qui varient entre 8 et 12 pour 100, et qui ne
déterminent nullement sa qualité, puisque le bordeaux ordinaire contient 10 centièmes
d'alcool environ, le château-margaux 8,73, et le château-lafite 8,70 seulement.
La marine emploie deux sortes de bordeaux : l'un pour campagne plus fin, susceptible d'une
meilleure conservation ; l'autre dit de journalier et destiné à être consommé sur rade ou dans
les casernes, et qui est d'une qualité un peu inférieure. Tantôt ce dernier vin est du bordeaux
seul, tantôt il résulte d'un coupage fait avec du vin blanc et du vin teinturier du Midi. Le
bordeaux de campagne renferme des quantités d'alcool qui varient un peu suivant les années,
mais qui ne doivent jamais être au-dessus de 12.
[...] Autrefois on embarquait, pour être employé dans les premiers temps de la campagne, du vin de journalier ; le règlement
supprima fort heureusement cette disposition, et l'on ne consomme artificiellement qu'une même qualité de vin pour toute la
campagne.
En résumé,nous voyons que, hors les années nécessiteuses, le bordeaux doit avoir la
préférence pour les approvisionnements de la marine. Mais nous estimons qu'il est de
bonne hygiène de se contenter pour le journalier d'un vin médiocre, mais sain, afin de
reporter sur les vins de campagne un accroissement de dépenses qui donnera, pour cette
partie si importante de la ration à la mer, toutes garanties de qualité et de conservation.
Le matelot, sur nos rades, vit, à l'encombrement près, dans les mômes conditions que le
soldat. Si le vin bonifie son régime, il ne faut pas cependant exiger que l'État fasse trop de
sacrifices pour lui en procurer.
[...] Les vins du Bordelais destinés à faire campagne doivent avoir au moins deux ans, afin
qu'on puisse mettre immédiatement les futailles sur bonde; une certaine verdeur, une
certaine astringence que le transfert nautique corrigera, est pour eux une condition
favorable. Il faut qu'ils aient été traités avec soin, que leur limpidité soit parfaite et qu'ils
aient une spirituosité suffisante. Cette spirituosité ne doit jamais être au-dessous de 10 p. 100 et on la ramène à 13 p. 100, par le
vinage, pour les vins qui doivent être transportés aux colonies.